POURSUITE JUDICIAIRE SANS PRÉCÉDENT : L'EX-CHEERLEADER LACY T. OBTIENT 1,25 MILLION DE $ DES RAIDERS D'OAKLAND.


C'est une histoire étonnante à plusieurs points de vue.  Un genre d'histoire comme celle de David contre Goliath.  Où le petit gagne son combat contre le gros.  Où le faible et démuni triomphe du riche et puissant.  Il fallait que Lacy T., une ex-cheerleader toute menue et délicate, ait beaucoup de courage, une foi inébranlable en la justice, et de fortes convictions pour oser s'en prendre à une organisation prestigieuse comme celle des Raiders d'Oakland, un club  appartenant à l'omnipotente Ligue Nationale de Football (NFL).  Cette jeune femme de 28 ans, a non seulement fait triompher sa cause en justice mais elle a dû affronter et vaincre de nombreux préjugés; des coutumes et des traditions bien implantées; la peur, la colère et la haine de plusieurs meneuses de claques de la NFL; l'avidité et l'abus de pouvoir d'un employeur qui, à cause de sa grande renommée, se croyait tout permis.  Comme si tout lui était dû parce qu'il est un membre du "dieu football", un sport que les américains adorent et qu'ils célèbrent chaque dimanche comme une religion.


Si Lacy T. (les pom pom girls de la NFL gardent secret leur nom de famille pour ne pas être harcelées par des partisans trop zélés; -oui hélas !, c'est la réalité en ce bas monde hyper-sexualisé-) s'est révoltée contre les pratiques illégales des Raiders envers ses cheerleaders, c'est qu'elle mesurait l'extrême injustice, l'écart vertigineux et honteux entre leurs médiocres conditions de travail et l'opulence d'une industrie dont le chiffre d'affaire dépasse le milliard de dollars à chaque année.  En brimant et en maltraitant ses employées, les Raiders violaient sans vergogne les plus élémentaires règles du code du travail.  Ils ne payaient même pas le salaire minimum à ces pauvres filles.  En fait, en comptant les 350 heures travaillées durant les parties, les entraînements, les répétitions, les activités de représentation dans la communauté ou à l'extérieur; Lacy T. avait estimé à environ $ 5 de l'heure, la rémunération des Raiderettes (nom du squad de meneuses de claque des Raiders).  Pour les patrons de l'équipe, le calcul était plus facile et plus simple : la paye des filles c'était $ 125 par match, versés en un seul montant global à la fin de la saison de football.  Or, les lois du travail aux USA imposent aux employeurs des délais pour payer ce qu'ils doivent à leurs salariés.  Ils doivent les rémunérer au moins à chaque deux semaines.


Plus révoltant encore, les Raiders vexaient à volonté leurs jolies représentantes, chargées d'animer leurs foules de partisans assistant aux matchs locaux.  Ils leurs faisaient subir des humiliations assez incroyables.  Par exemple, en plus de les sous-payer pour leurs services, ils ne leur remboursaient même pas leurs dépenses, dont celles encourues notamment pour le transport, quand elles devaient voyager -y compris par avion- à l'extérieur de la ville, pour accomplir leurs tâches.  Les Raiders, dont la valeur de la franchise se situe à plusieurs centaines de millions de dollars, poussaient l'indécence jusqu'à leur enlever une partie de leurs humbles émoluments si elles arrivaient quelques minutes en retard lors des répétitions, si elles avaient appliqué sur leurs ongles la mauvaise couleur de vernis, ou si elles s'étaient trompées dans le choix des pompons requis pour les exercices.  Les filles avaient beau s'échiner au travail, on ne leur accordait même pas une pause de dix minutes de repos durant les rencontres.


Pourtant, malgré cette situation déplorable, personne ne se plaignait chez les Raiderettes.  Pourquoi ?  Par crainte de perdre un emploi recherché, qu'elles avaient tant désiré obtenir; une fonction de prestige convoité par des centaines de candidates qu'elles ont réussi à supplanter lors des auditions précédant leur sélection.  Ou parce qu'être une cheerleader dans la NFL c'est un rêve remontant à leur enfance, quand elles participaient à la fière et forte tradition américaine de ce sport acrobatique pratiqué dans tous les collèges et dans toutes les écoles secondaires du pays.  Une tradition aux allures de symbole du rêve américain.  Parce qu'être une meneuse de claque professionnelle c'est l'aboutissement de tant d'années d'entraînement, dans un sport extrême (bientôt accepté dans le volet gymnastique, aux Jeux Olympiques) où les risques abondent, mais rendent excitants et grisants l'enjeu de la réussite et l'esprit d'équipe.  La souplesse, la force, l'endurance, la concentration et l'entraînement pour pratiquer cette discipline sportive sont impressionnants.  Les accidents ou les fausses manoeuvres occasionnent de nombreuses blessures.  Mais, les filles sont tellement passionnées et elles veulent tant réussir au plus haut niveau, pour rendre fiers leurs parents, leurs amis et leurs concitoyens, qu'à la limite, plusieurs d'entre elles seraient prêtes à payer pour être les cheerleaders de clubs de sports majeurs.  Les dirigeants de ceux-ci en sont bien conscients, et plusieurs ont abusé de cette façon de penser en soumettant leurs jeunes employées à une exploitation éhontée.


Dans ce contexte, il y a huit mois, il n'est pas surprenant que Lacy T. ait d'abord fait cavalier seul dans ses revendications envers la direction des Raiders.  Puis, une autre Raiderette l'a suivie, Sarah G..  D'autres cheerleaders ont ensuite imité son initiative à Buffalo, Cincinnati, Tampa Bay et New York (Jets).  Le cas soulevé par Lacy est le premier qui connaît son dénouement.  Cette affaire a alerté l'opinion publique et les Raiders, craignant une réaction négative de sa clientèle, s'étaient déjà arrangés pour régler en partie le problème.  Quelques mois avant que leurs avocats s'entendent, hors cour, avec ceux de Lacy et Sarah, pour régler cette affaire, ils avaient déjà reconnu partiellement leurs torts en acceptant de tripler le montant annuel de la rémunération de leurs meneuses de claque.  Au lieu de leur verser les $ 125 habituels pour chaque match, les Raiders leur donnaient maintenant $ 9 l'heure (pour 350 heures de travail par année), en plus de leur payer du temps supplémentaire quand c'était nécessaire.  Leur salaire total est passé de $ 1250 à environ $ 3 200.  De plus, chaque Raiderette qui a été à leur emploi depuis 2010 recevra une compensation rétroactive.  Chacune obtiendra $ 2 500 en arriéré salarial et en pénalité pour la présente saison, en plus de $ 6 000 pour les trois années précédentes.  Ces indemnités, totalisant 1,25 million de dollars, touchent 90 femmes.  Lacy T., qui a été à l'emploi des Raiders pendant une seule année, et Sarah G. recevront $ 10 000 supplémentaires pour avoir mené à bien cette cause.  Mais ce sont leurs avocates, Leslie Levy et Sharon Vinick, qui auront la plus grosse part du gâteau en se partageant environ le tiers du montant global du règlement de ce recours judiciaire.


Après des mois de lutte, c'est une victoire sur toute la ligne pour Lacy T., après avoir même vu des Raiderettes lui tourner le dos et la blâmer publiquement parce que, à leurs yeux, elle embarrassait l'équipe en la traînant devant les tribunaux.  «Honnêtement, je suis si excitée» a déclaré, émue, la mignonne brunette, en commentant l'accord entre les deux parties.  «J'ai un sentiment de satisfaction, sachant que cette longue épreuve se termine, et ce, de façon heureuse, pour 90 femmes.  Je suis fière de ça.  Je sais que pour les gens, nous ne sommes que des cheerleaders, mais nous sommes de petites salariées travaillant pour une industrie milliardaire.  Ça montre à tout le monde qu'une petite fille qui s'est levée et qui a dit "cela n'est pas juste" a réussi à changer la façon que les Raiders mènent leurs affaires.»  Quant à elles, les avocates en charge du dossier pour les deux gagnantes de cette cause, ont affirmé que le règlement obtenu était approprié.  Il établit officiellement que les cheerleaders de la NFL ont droit au respect et à une juste rémunération.


Pour Leslie Levy, l'accord sur ce litige signifie que le cheerleading professionnel doit être considéré comme un dur labeur, et non pas comme un jeu.  Selon elle, le taux horaire, payé dorénavant aux Raiderettes, est bien en-dessous du traitement salarial auquel elles devraient avoir droit, mais, au moins, pour la première fois, avec un tel règlement, des équipes comme les Raiders, sauront qu'elles ne sont pas au-dessus des lois, même si elles ont un statut spécial en étant pratiquement vénérées par des millions d'amateurs de football.  Voler ses employés est un crime, et Levy conseille aux autres clubs de sports professionnels de rectifier la situation si elles agissent comme les Raiders le faisaient à l'endroit de leurs cheerleaders.  Compenser plus équitablement leurs employées leur coûtera beaucoup moins cher que les dommages à leur réputation si elles continuent de les voler...     

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